



La rédaction s’est rendue à la première de la pièce Sur le Fil du chorégraphe Grichka Caruge, membre de la coopérative de projets artistiques d’activistes culturels Art Track. Ce spectacle s’inscrit dans le cadre du festival Karavel, qui promeut les créations de danse urbaine.
Chorégraphe, mais pas que, Grishka Caruge est avant tout danseur. Versatile, il rencontre le krump qui devient sa danse de prédilection après avoir traversé différents styles hip-hop et contemporain.
En tant que chorégraphe, il s’intéresse à la transmission de messages et réflexions sur des sujets qui lui tiennent à cœur. Dans cette quatrième pièce, il recherche l’équilibre et explore les tensions émotionnelles présentes en chacun d’entre nous.
La rédaction ne peut s’empêcher de faire une mention spéciale au danseur : lors de la première, il a assuré le rôle d’une de ses danseuses qui était malade. Avoir un couteau-suisse dans son équipe, ça paie toujours, surtout un soir de première !
Dans cette pièce, ce n’est pas seulement la danse krump et l’intensité des émotions exprimées qui sont mises à l’honneur, c’est aussi la place des femmes dans cette danse réputée masculine. En effet, cinq interprètes se retrouvent au plateau* : Théodora, Mélissa, Solie, Hendrickx et Sandra. Le chorégraphe a composé avec leurs différentes énergies, forces et qualités de corps pour les pousser dans leur retranchement et sublimer cette gestuelle. Ces danseuses captivent par leur force et l’intensité de leur interprétation.
1* Lors de la première, une des danseuses était malade et a été remplacée par le chorégraphe. Néanmoins, nous parlerons de la pièce telle qu’elle a été prévue : avec uniquement des femmes.
La pièce s’ouvre sur une musique de carrousels désenchantée (une ambiance à la Gotham City). Une étrange sensation de repli sur soi, de peur mais aussi d’appréhension est transmise par les regards fuyants et les corps recroquevillés des danseuses. La gestuelle heurtée, expressive et puissante du krump accentue cet effet dès les premiers regroupements entre les danseuses. Quelques minutes plus tard, des prisons de lumière rectangulaires apparaissent au sol. Chacune des interprètes isolées dans sa cellule s’activent en allant d’avant vers l’arrière à la recherche d’une issue qui n’existe pas. Tels des mimes, leurs corps marquent l’impact de ces parois imaginaires : arrêt brutal, contraction, agitation, … l’oppression est ressentie par le public.
Cette pièce dévoile la façon dont chacune des interprètes vit cet enfermement : pour certaines la colère explose, pour d’autres c’est l’acharnement ou la tristesse qui dominent. Chacune brille par son individualité. Elles semblent toutes lutter contre quelque chose qu’on ne peut pas voir mais dont on perçoit la menace, et se rassemblent pour y faire face.
A la fin de la pièce, un tableau magique se compose: les cinq interprètes se placent en bord de scène, dans un rail lumineux qui éclaire leurs bustes et leurs mains. Elles jouent avec la lumière et terminent en toute sobriété, ce voyage sous haute tension. Apaisées.
Le coup de cœur de la rédaction est un moment beau et puissant situé au milieu du spectacle. Après avoir lutté pour sortir de leurs « prisons de lumière », les interprètes se retrouvent assises sur une chaise, chacune éclairée par une douche. C’est un moment où l’épuisement, le « j’ai tout donné » ressort comme un cri du cœur. Elles reprennent leur force en se servant de la chaise comme support pour se relever et continuer de lutter. Ce moment poignant et touchant s’achève dans le calme avec une seule danseuse en scène, restée sur sa chaise. Le fait qu’elle n’abandonne pas, se relevant toujours, acceptant la fatigue et la douleur dans une lutte acharnée, reflète la beauté de cet instant.
Le travail de création lumière, très présent tout au long du spectacle, marque les changements de tableaux et de dynamiques. C’est un sixième partenaire avec lequel compose les interprètes : la lumière dirige le spectacle, symbolise les évolutions des états d’âmes des personnages, et restreint l’espace dans lequel elles évoluent. Entre l’éclairage tamisé du début, les douches qui emprisonnent et les jeux de couleurs, la création lumière de Laly * offre des images fortes qui laissent une trace indélébile dans la rétine des spectateurs.
Spectacle
50 min 00 s
Chorégraphie : Grichka Caruge
Interprétation : Hendrickx Ntella, Sandra Sadhardheen, Melissa Lalsingué, Sara « Solie » Oliveira, Théodora Guermonprez
Création lumière : Laly - Treepix by Etoile (Lille)
Création musicale: Morfmuzik
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